La Fondation MART : active sur différents terrains

Chaque année, plusieurs organisations environnementales entreprennent des nettoyages de la nature helvétique afin de sensibiliser petits et grands sur les répercussions des déchets. Parmi elles, figure la Fondation MART, créée par Kate Amiguet en 1999. Son acronyme désigne Mouvement pour les Animaux et le Respect de la Terre. Interview.
Fondation MART
Nettoyage des rives de Noville organisé par la Fondation MART / © KELSA

Kate Amiguet, la Fondation MART organise sur les rives de Noville deux fois par année une collecte de déchets s’étalant sur un week-end ; quelle est la particularité de ce site ? 

Nous organisons des nettoyages à Noville, car ce lieu est une réserve naturelle d’importance internationale qui est significative pour la biodiversité. De nombreux oiseaux migrateurs viennent y faire escale ; en particulier pour s’y reproduire au printemps. Mais ce site est l’un des plus sales de Suisse : le Rhône y amène beaucoup de déchets ainsi que les vagues et les courants du lac Léman. Rappelons que le lac est entouré de deux pays et plusieurs cantons qui ne disposent pas des mêmes normes environnementales, les déchets sont par conséquent, difficiles à gérer, et c’est malheureusement la nature « qui trinque ».

Constatez-vous une hausse de la quantité de rebuts ramassée au fil des années ?

Nous ramassons plus ou moins la même quantité de déchets annuellement. Par contre, leurs provenances varient. Ce qui est sûr, c’est que les 95 % de ce que nous ramassons sont d’origine plastique. Je n’aime cependant pas communiquer en termes de « kilos », car cela est trompeur. Nous pouvons, par exemple, récupérer des mousses qui sont imbibées d’eau, ce qui rajoute très vite du poids ! Mais pour ce qui est du volume, nous récoltons en général 4 bennes de 5 m3 de déchets ramassés sur une bande de 1,5 km de rive nettoyée. C’est un travail titanesque et nous devons parfois ramasser les déchets à la pelle, car il s’agit de millions de microparticules ! 

Quel type de déchets plastiques ramassez-vous ? 

Nous trouvons principalement des microdéchets ; des cotons-tiges pour les oreilles que les gens jettent dans les toilettes, des emballages pour l’alimentation, des bouteilles en PET, des chaussures, des ballons de foot et des millions de particules polystyrène ; ces dernières provenant principalement de chantiers de construction mal protégés et gérés, etc. La liste est sans fin !

Ce lieu est l’un des plus sales de Suisse : le Rhône y amène beaucoup de déchets ainsi que les vagues et les courants du lac Léman.

Kate Amiguet, fondatrice de la Fondation MART

Selon vous, quels animaux sauvages seraient les plus exposés aux déchets ?

Les oiseaux et les poissons, mais également les sangliers, les chevreuils, les renards qui viennent dans cette réserve et qui les ingèrent malgré eux. En effet, les microdéchets sont souvent confondus avec de la nourriture ; également, certains animaux ont du mal à trier ceux collés aux végétaux. À titre personnel, je n’ai jamais procédé à des autopsies, mais plusieurs études menées sur des îles couvertes de déchets prouvent le lien de causalité entre les déchets et la mort de ces animaux. En Suisse, c’est plus difficilement réalisable, car la carcasse de ces animaux est vite consommée par les prédateurs. De plus, nous nous rendons dans cette réserve uniquement dans le cadre de ces nettoyages.

La compilation de déchets peut entraîner une contamination d’un lieu ; une thématique qui suscite également votre intérêt. Au-delà des diverses actions sur le terrain que vous menez, vous êtes active sur le champ de l’audiovisuel. Dans vos documentaires : « Déchets » et « Bouts de nature », disponibles sur YouTube, vous mentionnez la présence de sites contaminés qui s’élèvent à plus de 38’000 sites en Suisse. Comment expliquer ce nombre astronomique ?

À l’époque, lorsque nous n’avions pas encore d’usines d’incinération, les habitants déversaient leurs déchets, soit dans des endroits spécifiques tels qu’un dépotoir (« ruclon »), soit un peu partout (rivières, ravins, étangs, forêts, grottes, etc.). Quant aux décharges chimiques, elles proviennent de sociétés telles que la chimie montheysanne (Tamoil, Béa SF, la Lonza, etc.). Ces décharges sont de véritables bombes à retardement, les assainir est un gros défi et coûtent des centaines de millions !

Quelles découvertes avez-vous faites à ce sujet ?

J’ai enquêté pendant plusieurs années sur les sites contaminés du Chablais. Dans cette région, il n’y a pas 1 km2 qui ne comporte pas un site pollué, que ce soit un « ruclon » ou une décharge chimique. La plupart d’entre eux n’étaient pas officiellement reconnus en tant que tels. Il a fallu batailler pour que mon travail soit pris en compte et que certains sites soient assainis ! 

Ma dernière investigation fut la décharge des Saviez, située sur la commune de Noville. Alertée par une imposante buse d’eau, à proximité de la réserve des Grangettes et qui projetait de l’eau contaminée sur la forêt ; j’ai fait cesser cela immédiatement. J’ai commencé à m’intéresser de plus près à ce site en procédant à des analyses… les résultats furent terrifiants ! D’autant plus que ces eaux polluées transitent à travers une réserve d’importance internationale, puis finissent dans le lac Léman, qui je le rappelle, alimente en eau potable toute la Riviera. 

Ce site contaminé est une véritable catastrophe pour la nature et il est regrettable que nos autorités se préoccupent plus des finances, que de la nature !

Dans le Chablais, Tamoil et la chimie montheysanne ont par ailleurs contaminé toute la nappe phréatique, de même qu’un puits d’eau potable de la commune d’Ollon.

Réduire en amont les déchets est l’un des leviers les plus efficaces pour éviter de polluer davantage. Quelles alternatives au plastique préconiseriez-vous ? 

Oui, absolument. À titre personnel, je dirais qu’il faudrait bannir les sacs plastiques en ayant recours plutôt à des sacs réutilisables, par exemple en jute ou en coton. Même si le PET se recycle, c’est quand même une matière qui est composée de pétrole. Ainsi revenir au système des bouteilles en verre avec la consigne qui nous oblige à les ramener serait judicieux.

 Il y aurait aussi un travail considérable à entreprendre pour réduire ce surplus d’emballages que nous trouvons actuellement sur les fruits, les légumes et sur beaucoup d’autres produits… Nous pourrions très bien venir avec par exemple nos bocaux et nos sacs, comme nous le voyons dans certains magasins bios ou en vrac. Il y a vraiment mille solutions qui sont faciles à mettre en place dans notre quotidien, et qui sur le long terme réduisent la quantité de déchets que nous émettons individuellement !

De plus, il serait avantageux de se partager certains objets tels que tondeuse, débroussailleuse, machine à vapeur ou autres objets que nous n’utilisons pas quotidiennement. Ce serait un bon geste pour la planète, mais aussi pour le porte-monnaie de chacun !

Dans votre documentaire « Déchets », vous évoquez l’importance de l’éducation pour sensibiliser la jeunesse à ce problème. Comment nos autorités pourraient-elles répondre aux incivilités ?

Pour rebondir sur l’éducation, celle-ci doit être premièrement instaurée par les parents ! 

Avec ma fondation, nous organisons régulièrement des cours de sensibilisation auprès des élèves. Nous leur montrons premièrement mon film « Déchets » puis nous les emmenons sur le terrain pour une action de nettoyage. Le but étant qu’ils puissent réaliser que certaines actions peuvent avoir des conséquences désastreuses sur la nature. 

Je pense également qu’il serait bien que l’État rende obligatoires des cours sur l’environnement dans les écoles. La Confédération devrait interdire les sacs plastiques et les objets à usage unique, de même que les emballages inutiles des fruits et légumes par exemple. Si l’information est utile, parfois, la répression est nécessaire. Une police des déchets et de protection de la nature devrait être mise en place pour faire cesser les incivilités. En effet, parfois seules des amendes dissuadent les gens de mal se comporter.

Site internet de la Fondation MART : https://www.mart.ch